Voyage 2024 : ROUBAIX-LILLE

Tradition et rituel sont deux mamelles maloniennes qui se traduisent par un désir de transhumance annuelle, laquelle se concrétise généralement au début d’octobre…

2024 n’a pas failli à cette convention et a vu une délégation (hélas restreinte plus que de coutume) de treize fidèles : Martine, Hervé, Geneviève, Mireille, Anne-Marie, Gérard, Marie-Thérèse, Marie-Édith, Jacques, Valérie, Didier (sans une autre Anne-Marie), Marie-Claude et Gérard bis. Les absents, dont on dit qu’ils ont toujours tort, avaient toutefois de bonnes raisons, attestant par là d’une évolution que les années s’évertuent à alourdir… Qu’ils sachent néanmoins que notre reconnaissance et notre indéfectible amitié leur sont malgré tout acquises à jamais !

Or donc, suite à la décision collégiale du bureau, cette année 2024 fut témoin d’une pérégrination nordiste : les ambassadeurs maloniens se sont propulsés vers Roubaix et Lille.

C’est le vendredi 4 octobre qu’ils ont entamé l’aventure sous les auspices touristico-culturels de l’agence Baubet, Martine et Hervé, « petits futés » officiels de l’A. A. B. M., secondés en sous-main par Daniel. Départ avant potron-minet et Lille-Europe à l’heure : 11 h 25. Découverte architecturale du métro lillois, atterrissage à Eurotéléport, Roubaix, quête de l’hôtel B & B, ex-Ibis depuis le premier octobre, ce qui a expliqué que l’accueil s’est longuement débattu avec des logiciels incompatibles, mais a fini par vaincre l’hydre numérique !

Installation faite, pique-nique ingurgité, ce fut direction la Piscine, ex-bains-douches populaires devenus musée regorgeant de statues (dont des ébauches rares de monuments aux morts de la « Grande Guerre »), de tableaux, de tissus, de tout ce que peut espérer un esprit avide de révélations esthétiques dans un lieu d’une indéniable beauté.

 

A la sortie de la piscine
A la sortie de la piscine

À 16 heures 30 rendez-vous était pris pour rencontrer Jean-Marie Duriez, « camarade » et guide soucieux de nous faire découvrir un maximum de réalités dont les « courées », impasses de logements anciennement ouvriers dont l’actuelle municipalité envisage la disparition. Dans la « cour Lepers », ses maisons réhabilitées, sa cheminée en point de mire d’horizon, nous avons rencontré une personnalité de l’endroit, Marc Dubrul, une artiste-graveure, Françoise Decock, tous deux engagés dans la défense du concept patrimonial de quartiers populaires à l’histoire vivante aujourd’hui menacée. Un grand moment de rencontre fraternelle et de conjonction intellectuelle !

 



 

 

La cour Lepers
La cour Lepers

Retour à l’hôtel via des rues aux murs porteurs de fresques : le street-art fait partie intégrante de la ville. Dîner sur place pour éviter des déplacements supplémentaires au terme d’une longue journée...

Le samedi 5, jour de mariages animés à l’hôtel de ville, splendide édifice de 1911 signé Victor Laloux, architecte de la gare d’Orsay, nous étions attendus par Alain Guillemin, figure éloquente s’il en est, ancien pêcheur de sardines au Liban, professeur à l’institut Turgot, président de la Fédération des Amicales Laïques et aussi marionnettiste engagé de la culture picarde : vaste programme ! L’accompagnaient William Langlois, président du comité du Nord de l’Association des Amies et Amis de la Commune de Paris, et Annie, « chauffeuse-taxi » émérite qui a opéré tout au long de la journée pour véhiculer des organismes parfois éprouvés.

 

Première halte : la Colonne aux baisers, arrivée de Paris en 1998, réalisée par Émile Derré à la fin du 19e et baptisée « Rêve pour une maison du peuple ». L’on y peut lire la légende : « Parlez mes douces images, portez l’amour et la tendresse au cœur. » et voir Louise Michel embrasser Auguste Blanqui.

La visite s’est poursuivie au fil des institutions, des murs peints, de la statue de Jules Guesde, député de Roubaix, puis vint une halte à la Fédération des Associations laïques, avec expo sur des Communards et une démonstration de marionnette parlant picard grâce à Alain, conteur et manipulateur, lequel est du reste en train de préparer une série d’effigies de la Commune…


 Suite vers le local communiste, heureux de nous recevoir pour nous offrir un apéritif de bienvenue et d’apprendre qui était Benoît Malon : un grand merci pour cet accueil chaleureux et rare ! Le restaurant retenu nous a attendus et « Le bouillon de l’Impératrice Eugénie » nous a permis de nous initier qui à la carbonnade, qui au welch, au gratiné de poulet au Maroilles, au potjevleesch, au waterzooi et autres fleurons de la gastronomie nordiste…

En guise de promenade digestive nous traversâmes la rue centrale du complexe Mc Arthur Glen, « factory outlet » ou enfilade de magasins d’usine aux enseignes de renom pour rallier la Manufacture, dernier vestige de la riche histoire des filatures de Roubaix ; Geoffrey nous a fait l’historique de l’usine créée par Israël Craye et reprise par la famille Hendrick ainsi que la démonstration des métiers à tisser, depuis la formule basique du 17e jusqu’à la version à disquette… Le jacquard de décoration intérieure reprend vie pour quelques instants et attend l’éventuel chaland à la boutique qui propose des reproductions de tapisseries.

La fatigue se faisant sentir c’est retour à l’hôtel avant le deuxième restaurant du jour, « le Saint-Jean », où le patron-photographe marie l’humour, la joie de vivre, le bonheur de la rencontre et propose la carbonnade, le welch etc. etc. Une première journée aussi roborative que les plats ingurgités, utile préparation à la seconde, celle du marathon lillois !

Au dimanche matin le tramway dûment conseillé par les autochtones mène la troupe à Lille-Flandres pour un rendez-vous à la Citadelle Vauban. Les trois locaux-bande à part nous y attendent et le départ est donné du trail urbain : le monument De Gaulle en silhouettes de pierre, la maison natale du même, le canal de Gand et sa passerelle Napoléon III, les rues du vieux Lille, leurs maisons à mansarde, la maison Méert, fondée en 1761 et devenue palais incontesté de la gaufre dès 1849, où la majorité d’entre nous a investi par devoir et gourmandise, Notre Dame de la Treille, sortie en grande pompe ce jour-là pour qu’elle puisse bénir pèlerins et Lillois du haut du parvis où mitres, crosses et Croix de Malte présidaient au décor…

La halte restauratrice était prévue à « l’Estaminet de la Vieille France » bondée mais réservée en sous-sol afin de redécouvrir carbonnade, welch, etc. La pause terminée, les starting-blocks regonflés nous propulsent au beffroi, à la porte de Gand, à la vieille Bourse jusqu’à la statue du P’tit Quinquin et de son auteur, Alexandre Desrousseaux, au square Foch, monument d’Eugène Desplechin de 1902, malencontreusement barricadé pour réfection…

Qu’à cela ne tienne : la déception ne saurait nous ralentir dans notre quête du monde ouvrier, et bien nous en prend puisqu’après avoir admiré, entre autres, une maison Art Nouveau particulièrement remarquable, nous découvrons la Cité Philanthropique Napoléon III, bel ensemble de six pavillons devenus résidence seniors, mais bâtie en 1861 sous l’impulsion du bureau de bienfaisance de Lille pour « loger les ouvriers dans des conditions décentes et pour un prix peu élevé », soit 228 logements pour des inscrits au registre des indigents. Un habitant des lieux, jardinier municipal, nous invite à visiter son appartement où nous débarquons à treize… Là encore une rencontre humaine aussi inattendue que bienvenue.

 

Cité Philanthropique Napoléon

 

Quelques braves ont poursuivi leur exploration entre chien et loup quand d’autres les attendaient au cinquième restaurant (le marathon n’était pas que pédestre !) : « Le Chat qui fume », cette fois-ci. La litanie de la gastronomie locale a toutefois rencontré comme une réticence stomachale, mais la survie ne s’est tout de même pas laissée complètement impressionner et a brillamment résisté à l’idée de jeûne total, et ce d’autant qu’un double anniversaire était célébré, généreusement offert par Marie-Édith et Martine, comme chaque année…

De retour à l’hôtel ce fut le premier temps des aurevoirs, d’aucunes et d’aucuns étant de lever précoce pour Bruxelles. Le lundi vit se disperser les derniers rescapés qui profitèrent du soleil pour visiter les archives, retrouver une sœur ou se promener en attendant des INOUI ou des OUIGO qui ralliaient Lyon en temps et en heure… ce jour-là.

L’expédition 2024 a donc marqué une croix supplémentaire sur le manteau de la cheminée malonienne où continuent de rougeoyer quelques braises encore vives. Merci encore aux organisateurs et à toutes et tous les participant-e-s pour leur compagnie fidèle, active et du meilleur aloi !

Anouk Colombani